Abstract
[Fr:]Dès ses premières réflexions théoriques sur la langue littéraire, Proust considère en effet le sens comme le résultat d’une dynamique complexe et jamais établie une fois pour toutes. Dans les notes à ses traductions de John Ruskin, le futur auteur de la Recherche reproche à l’esthéticien anglais de chercher le sens là où il n’est pas : dans les dictionnaires, ou dans l’histoire des mots. Dans cette attitude il y a pour Proust ce péché d’idolâtrie que Ruskin partage avec Montesquiou, et qui pousse à confondre l’art et la vie, le sens et les mots.
Cette conception du langage se retrouve dans la Recherche à plusieurs niveaux ; nous allons en analyser deux : la langue des personnages et la formation de la métaphore. Dans la langue des personnages sont relevables de nombreux ‘synonymes indices’, ou même des synonymes implicites, qui marquent un glissement du sens, où l’analogie de signifié au niveau langue n’en est que plus révélatrice de vérités psychologiques que le langage finit toujours par démasquer. Dans ce « langage indirect » étudié par Genette le synonyme n’en est évidemment pas un, et ne pourrait, sans grave perte de sens, être remplacé par son équivalent du dictionnaire.
Le cas de la métaphore est plus décisif pour une définition de l’impossibilité de la synonymie dans la conception proustienne de la langue littéraire. Nous avons choisi de présenter deux exemples de ‘métaphores sémème’, dans lesquelles le narrateur de la Recherche développe toutes les directions sémantiques du signe langue, en métaphorisant ainsi le sémème entier. Le mot est lui-même source du procès de métamorphose du réel dont la métaphore est le résultat textuel, et c’est à partir du mot, en tant que signe total, tel qu’il est déposé dans la conscience de l’artiste, que se départent les comparaisons.
La métaphore ne marque partant pas un procédé d’équivalence sémantique, elle n’est pas synonyme d’un mot ou d’une expression, car elle naît d’une évocation, d’une résonance mémorielle que les mots déclenchent dans l’esprit de celui qui l’énonce. L’écriture proustienne lance en effet sur le réel « des réseaux d'interrogation », où toutes les virtualités du sens sont actives. Dans ces conditions, croire dans l’existence des synonymes est pour un écrivain une trahison de son devoir d’artiste, qui est de ne pas dire « trois fois à peu près la même chose », mais de trouver une vérité capable de donner lieu au voyage dans soi-même que chaque lecteur est censé commencer, une fois le livre fini.
Titolo tradotto del contributo | [Autom. eng. transl.] Proust and the art of language. Synonymy as linguistic idolatry |
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Lingua originale | French |
Titolo della pubblicazione ospite | La Sinonimia tra langue e parole nei codici italiano e francese |
Editor | MARISA VERNA, SERGIO CIGADA |
Pagine | 231-254 |
Numero di pagine | 24 |
Stato di pubblicazione | Pubblicato - 2008 |
Keywords
- Language
- Proust
- Synonymie