Le dialogue entre droit et religion dans la conception kantienne de l’État. Un regard diachronique

[Fr:]Cette contribution a pour but de montrer que les deux textes kantiens de 1784 – malgré l’évolution conceptuelle de la notion de droit entre 1788 et 1797, en particulier en ce qui concerne sa relation avec la morale – marquent un jalon dans la conception kantienne du droit en tant qu’expression de la souveraineté de l’État. La véritable question, pour Kant, réside dans l’impossibilité pour l’État de disposer entièrement de la religion comme d’un instrument pour s’imposer. En effet, si dans l’Idée d’une histoire universelle du point de vue cosmopolitique la nécessité de l’État émerge sous une forme uniquement juridique et pragmatique, dans Qu’est-ce que les Lumières ? le fondement religieux de la souveraineté est soumis à une évaluation indépendante et critique faite par le sujet, qui s’exprime par l’usage public de la raison, opposé au privé. En pratiquant cet usage privé, donc, un homme d’Église, tout en respectant les lignes directrices de l’État – à savoir en agissant selon le « symbole » de l’Église – ne verra pas sa liberté individuelle affectée par une telle conformité extérieure. Dans cet espace d’irréductibilité de la religion à l’État se situeront les développements les plus divers de l’Idéalisme allemand, parmi lesquels Hegel apparaît comme l’exemple le plus significatif. C’est précisément à la religion, en effet, qu’Hegel empruntera les éléments conceptuelles décisifs pour le dépassement de l’État lui-même dans le passage de l’Esprit objectif à l’Esprit absolu.