Abstract
[Fr:]Les études sur le langage des personnages proustiens sont nombreuses, et le texte critique désormais incontournable de Gérard Genette, Proust et le langage indirect, a désormais démontré que les insurgences de la dimension psychologique profonde des personnages passent nécessairement par des écarts de langage: fautes, oublis, glissements de sens, et souvent apparition d'un registre inattendu.
A la recherche du Temps Perdu peut en effet être interprété, entre autres, comme une gigantesque mise en scène du langage: dans la dynamique des différentes 'langues' qui s'y confrontent (langages des personnages, langue matricielle, métalangage, création rhétorique), se dessine dans une vibration constante l'image toujours imprécise de l'âme humaine. Dans cette 'chair vivante' qu'est la langue pour Proust on peut isoler différents niveaux d'analyse: linguistique, social, psychologique, esthétique. Le problème du registre entre dans tous ces niveaux, à des titres différents.
Nous nous concentrerons surout sur le langage de deux personnages, le duc de Guermantes et Bloch, qui nous paraissent comme les plus représentatifs de l' enchevêtement de relations que manifeste la parole. Rarement le registre peut selon Proust être un simple 'marqueur' social (même dans les cas qui peuvent apparaîte comme les plus simples, tels le liftier, le personnage d'Aimé et sa célèbre lettre à la famille, Françoise, sa fille), il est au contraire révélateur de ce que Proust appelle une "loi du langage": celle qui " veut qu' on s' exprime comme les gens de sa classe mentale et non de sa caste d' origine" (Côté de Guermantes, II partie).
Dans le langage de ces deux personnages se dessinent en filigrane les enjeux idéologiques, moraux, mais aussi psychologiques de l' "Affaire", l'un des événements historiques qui dans la Recherche sont 'tissés' et comme cachés dans le flou et l'évident manque de sens de l'Histoire. Dans notre communication nous tenterons d'identifier le rôle du registre -- émergence de mots nouveaux, d'expressions incongruës, de tournures incohérentes avec l'appartenence culturelle ou sociale -- dans la représentation de cette vérité du coeur de l'homme, dont la langue est le principal agent révélateur. C'est en effet à travers des glissements de registre que ces deux personnages révèlent leur attitude profonde, leur 'vérité' à l'égard d'un fait de l'histoire, qui fonctionne en fait comme un 'déclencheur' de couches plus profondes de leur nature.
Dans nos conclusions nous nous concentrerons sur la valeur que le registre -- son ambiguïté, son indécidabilité-- semble posséder dans l'esthétique proustienne: marqueur, avec d'autres éléments du langage, du mensonge représenté par la parole, et auquel la langue de l'art peut seule répondre.
Titolo tradotto del contributo | [Autom. eng. transl.] This "unknown lake where these expressions unrelated to thought live and which by that very fact reveal it": the role of the linguistic register in the "Search for Lost Time": the Dreyfus Affair, |
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Lingua originale | Francese |
Titolo della pubblicazione ospite | «I registri linguistici come strategia comunicativa e come struttura letteraria» |
Pagine | 93-117 |
Numero di pagine | 25 |
Stato di pubblicazione | Pubblicato - 2010 |
Keywords
- Dreyfus
- Language
- Proust
- anti-semitism
- langue